Pour répondre aux besoins économiques et structurels des Antilles et de la Guyane, fraîchement départementalisés, le gouvernement décide en 1961 la création du service militaire adapté (SMA). Un groupement de travaux publics est créé dans chaque département, de même qu’une unité de formation professionnelle. L’objectif est de former la jeunesse et d’entreprendre de lourds travaux d’équipement (routes, ponts, pistes d’aviation, etc.).
Le groupement de formation professionnelle s’installe à Saint-Jean-du-Maroni, tandis que le groupement de travaux, tout d’abord cantonné à Cayenne dans la caserne Loubère, trouve sa base sur la montagne Tigre et est ensuite réparti sur le territoire en fonction des chantiers.
Le premier chantier est inauguré le 18 juin 1962 : il s’agit de la liaison routière Tonate-Montsinéry.
La route Tonate-Montsinéry, premier objectif du service militaire adapté en Guyane
Le mois dernier, dans un bref communiqué, Radio-Presse et Radio-Cayenne annonçaient à la population guyanaise que les engins et véhicules tous terrains du groupement n° 5 du régiment mixte des Antilles-Guyane avaient atteint Montsinéry, reliant cette charmante localité au reste du pays. Cet événement relaté en toute simplicité constitue en soi un fait marquant dans la réalisation de la route Tonate-Montsinéry que se propose de mener à bonnes fins le service militaire adapté.
Mais revenons de quelques mois en arrière. Le 15 juin de cette année une section du RMAG s’installait à Tonate dans des bâtiments prêtés gracieusement par la municipalité du village, d’une part, les travaux publics, d’autre part. Le temps de mettre le personnel et les moyens en place et le chantier était lancé. Inauguré en la présence des hautes autorités civiles et militaires le 18 juin 1962, son activité ne s’est plus ralentie depuis lors.
Avant de rentrer dans le détail des moyens employés et des difficultés rencontrées par le personnel du SMA dans l’accomplissement de cette tâche de longue haleine, il convient de donner quelques renseignements succincts sur les caractéristiques techniques de la route.
En ce qui concerne l’itinéraire, il avait été convenu de le décomposer en deux tronçons distincts :
- un premier tronçon en direction du pont Montsinéry ;
- un second en direction du village Montsinéry, étant entendu que le tronçon principal serait celui du pont Montsinéry et qu’il serait traité selon les caractéristiques des routes nationales en Guyane, soit :
- déboisement sur 20 mètres de chaque côté de la plateforme, les arbres et taillis étant refoulés en cordon et sur les côtés de l’ouverture de route
- plateforme terrassée et susceptible d’être empierrée de 9,00 m de large avec bas-côtés de 1,00 m à 1,50 m
- fossés et drainage
- ouvrages définitifs sur buses en béton, buses ARMCO en tôle galvanisée ou en IPN enrobés.
- Les moyens mécaniques dont disposait le SMA lors du démarrage du chantier étaient les suivants :
- deux bulldozers Continental CDS
- un compresseur de 3 000 litres
- un camion-citerne de 4 000 litres
- un camion-benne Berliet.
Malgré la faiblesse des moyens du début, dès le 10 août, trois marécages ont été franchis, deux cours de buses posés, un ponceau provisoire renforcé ; tout cela, en dépit des mauvaises conditions du terrain et de la météo.
Entre temps une carrière de latérite ouverte aux mornes de Macouria fournissait le matériau nécessaire au revêtement de la plateforme. Chargée à l’aide d’un tracto-chargeur TP6, cette latérite d’assez bonne qualité était répandue ensuite sur la route. De leur côté, les spécialistes enginistes du camp du Tigre s’employaient à former à une cadence accélérée les futurs équipages des bulldozers, niveleuse et rouleaux-compresseurs, dont l’arrivée en Guyane était annoncée. Le 5 octobre 1962, à l’issue d’un relevé du personnel, les moyens initiaux furent renforcés. Les engins en place sur le chantier étaient dès lors les suivants :
- trois bulldozers CD8
- huit camions-bennes Berliet et Citroën
- Un tracto-chargeur TP6.
A ces engins vinrent s’ajouter le 12 octobre une niveleuse Richier et un rouleau-compresseur de 14 tonnes, engins très attendus, étant donné l’état d’avancement de la plateforme et par la suite utilisés respectivement pour l’épandage et le compactage des matériaux d’apport.
Dès lors, l’importance du chantier ne cesse de croître et l’effectif en cadres et exécutants passe progressivement de 30 à 60 malgré les fluctuations de personnel consécutives aux libérations des militaires appelés. En dépit des conditions de travail souvent pénibles en saison sèche, les enginistes, les conducteurs de camions-bennes, les mécaniciens maintenant bien entraînés se donnent sans compter à leur tâche. Les temps morts dans les rotations des bennes diminuent et le rendement augmente, les incidents de chantier deviennent de plus en plus rares, l’émulation joue entre les équipes de travail. Une après l’autre, toutes les difficultés sont aplanies et le 5 novembre 1962, les premiers engins chenillés et les véhicules tous terrains du SMA ont pénétré dans Montsinéry à la grande joie de la population.
Au cours d’une courte cérémonie organisée en cette occasion et présidée par le commandant militaire de la Guyane, le chef de bataillon du RMAG 5 remémorait à toute l’assistance présente la mort de l’enginiste Melcher, survenue accidentellement sur le chantier à proximité de Macouria. Malgré ce deuil cruellement ressenti par tous, le SMA poursuit imperturbablement la voie qui lui est tracée à savoir la réalisation définitive de la route Tonate-Montsinéry-Port Inini, son premier objectif dans le cadre de l’essor de la Guyane.
Archives départementales de Guyane, PER 113, Radio-Presse Dimanche, n° 333 du 16/12/1962
Le Radio-Presse dimanche n° 241 du 08/09/1963 se fait l’écho de l’avancée des chantiers du service militaire adapté.
Le chantier de route Tonate-Montsinéry
Une piste praticable en saison sèche est maintenant ouverte jusqu’à Montsinéry-village. Le déboisement indispensable des abords est effectué du km zéro au km 9,85 et du km 16,4 au village de Montsinéry. La plateforme et la chaussée sont terminées jusqu’au point kilométrique 4. La saison des pluies a ralenti et gêné considérablement les travaux de terrassement.
Plusieurs ouvrages busés ont cependant été construits ; le revêtement de la route a été repris jusqu’au km 5,200.
Soixante-dix militaires (dont 10 de servitude) travaillent sur ce chantier. Ils disposent de 3 bulldozers CD 8, d’un profileur, d’une pelle Jumbo, de quatre camions-bennes et d’un rouleau lisse.
Un mois plus tard, le périodique, dans son édition n° 230 du 27/10/1963, apporte la nouvelle de l’avancée de la route du pont des Cascades
Chaque jour notre réseau routier prend de l’extension. Le service militaire adapté, d’une part, les ponts et chaussées, de l’autre, œuvrent de concert pour nous doter d’une infrastructure.
Les ponts et chaussées ont presque terminé leur tronçon de la route du Gallion, de la montagne Aimant au pont des Cascades. La chaussée, en latérite, a une largeur de 5 mètres (pour 9 mètres de plateforme).
M. Thieblemont est chargé de la direction des travaux, tandis que M. Jouandeau veille au bon état de l’important matériel mis en œuvre : un Scraper de 8 m3, 3 bulldozers (D7, TD14, D6), 2 niveleuses, un cylindre et une dizaine de camions lourds qui vont chercher la latérite jusqu’à Rochambeau. Le chantier est en pleine activité.
La CFE va pouvoir bientôt amener son matériel pour la construction du nouveau pont des Cascades, semblable à celui du Tour de l’Ile (78 mètres de longueur). L’ancien ouvrage avait été inauguré en 1936. Il avait été construit par M. Thieblemont, qui avait également édifié ceux de Port Inini et de Montsinéry.
En 1965, la 3e compagnie des travaux école s’installe à Montsinéry dans un camp de base pour construire la bretelle routière et de poursuivre la liaison routière jusqu’aux Cascades. Si une piste ouverte par le service militaire adapté les années précédentes, l’étape suivante consiste à terminer la voirie pour la rendre parfaitement carrossable.